Impossible de leur échapper : elles sont partout. Dans nos livres, sur nos écrans, sur nos panneaux d’affichage, dans notre miroir. Immobiles ou en mouvement. Belles à tomber à genoux ou moches qui piquent les yeux. Sagement encadrées sur les cimaises de nos musées et dans les pages de nos magazines. Mitraillées façon stroboscope jusqu’à l’overdose. Livrées brutes de décoffrage, sans filtre ni décodeur, ou sournoisement instrumentalisées. On pourrait croire qu’il suffit de fermer les yeux pour goûter un bref répit… que nenni ! La persistance rétinienne les rappelle à notre bon souvenir, et que l’on regarde une pomme ou qu’on se la représente mentalement, c’est encore et toujours la zone de la vision qui est mobilisée dans les replis de notre cerveau. Bref, l’image, c’est un peu comme tout le gang des X-Men réunis – plus une louche supplémentaire de Pr Xavier pour le côté « contrôle des esprits » -, mâtiné de panthéon hindou pour le côté « millions de milliards d’avatars » : une réalité qui nous dépasse un tantinet, mais que nous avons quand même (un peu) contribué à créer. Et comme des junkies en manque, l’œil rougi et la pupille dilatée, on en redemande. Il y en a même qui passent des tranches de vie à les étudier. Tous des masos ces historiens d’art.
Il n’aura échappé à personne que nous baignons en permanence dans un salmigondis d’images, et que même solidement cramponnés à la Bouée de la Raison, tout en tâchant de ne pas quitter des yeux le Phare de la Clairvoyance, leur flux déferle à un rythme qui nous laisse difficilement le temps de prendre une respiration ainsi qu’un peu de recul (vous noterez le zeugma). Mais comment c’était, avant ? Je veux dire, avant l’avènement des média de masse, avant l’invention de Michel Drucker et d’Instagram, avant l’invention… de la vue, tiens ? Ah non, ça marche pas ça, on met justement le doigt sur l’un des nœuds du problème, que j’aimerais illustrer en citant ce fulgurant kôan zen : « Si un arbre tombe dans la forêt et que personne n’est là pour l’entendre, fait-il quand même du bruit ? » CQFD. L’image non plus n’a aucune existence en dehors de l’œil qui la regarde. Ah-ah ! On marque un point.
Mais une fois qu’on a posé ce premier postulat, on se rend compte que la question de l’image est un vrai sac de nœuds, une pelote bien emmêlée, et je sais de quoi je parle : il m’arrive de m’abîmer dans la pratique du tricot. Alors histoire d’y voir un peu plus clair, rembobinons et reprenons le fil depuis le début. Au commencement… était le dictionnaire.
Extrait du TLF :
IMAGE, subst. fém.
I. Représentation (ou réplique) perceptible d’un être ou d’une chose.
A. [La relation entre l’objet et son image est de nature physique – plus précisément optique – ou physico-chimique, notamment dans les techn. de phot.] Reproduction inversée d’un objet renvoyée par une surface réfléchissante.
B. [La relation entre l’objet et son image est de nature iconique] Représentation de la forme ou de l’aspect d’un être ou d’une chose.
Extrait du Petit Littré :
IMAGE (lat. imago) sf. Ce qui imite, ce qui ressemble […] ; Représentation d’un objet dans l’eau, dans un miroir, etc. […] ; Représentation de quelque chose en sculpture, en peinture, en gravure, en dessin.
Et enfin, extrait du Petit Larousse :
IMAGE n.f. (lat. imago) 1. Représentation d’un être ou d’une chose par les arts graphiques ou plastiques, la photographie, le film, etc. 2. Représentation imprimée d’un sujet quelconque […] 3. Fig. Ce qui reproduit, imite ou évoque qq’un, qqch.
Bon, si on tente une synthèse de tout ça :
- l’existence de l’image est conditionnée par la capacité d’une surface à la percevoir, à la révéler (rétine, plaque sensible photographique, miroir). Dans le cas de l’œil, il s’agit d’un stimulus sensoriel.
- l’image N’EST PAS la chose qu’elle représente : elles sont de nature différente, donc, pour employer un terme que j’emprunte à la théologie, non consubstantielles. Mais cette séparation n’est pas toujours aussi évidente qu’il n’y paraît. Nous allons le voir.
- la question du caractère imitatif de l’image est cruciale, principalement pour ce qui touche aux arts visuels. La tradition classique fera en effet de la recherche de réalisme son principal moteur, malgré des périodes de relative prise de distance vis à vis de ce réel. Et l’enjeu du réalisme dans la représentation plastique ou visuelle est tout sauf innocent.
Alors on va commencer justement par envisager cette fameuse question du réalisme, au travers d’une anecdote qui fait partie des légendes de l’histoire de l’art, de notre vulgate : le concours entre Zeuxis et Parrhasios, deux stars de la peinture grecque vers 400 av. J.-C., tel que le raconte Pline dans son Histoire Naturelle, livre XXXV, 5 (à lire ici). Chacun va chercher à démontrer sa capacité extraordinaire à reproduire le réel de façon illusionniste. Zeuxis peint une grappe de raisin si réaliste que des oiseaux bernés viennent la picorer sur la toile. Standing ovation. Parrhasios, lui, annonce avoir caché son oeuvre derrière un rideau qu’il invite Zeuxis à soulever. Son rival s’exécute… sauf que le rideau en question n’est autre que de la peinture. Tel est pris qui croyait prendre, Zeuxis s’incline devant le génie de Parrhasios. Duper l’œil de la nature, c’est certes pas mal, mais duper celui d’un peintre aussi habile que Zeuxis, ça relève de l’exploit. Beau gosse, ce Parrhasios. Cette histoire quasi-mythique illustre la volonté de dépassement de l’art grec dès la période classique, qui cherche à réduire par tous les moyens techniques ce hiatus entre le réel et sa représentation, jusqu’à peut-être les confondre. Malheureusement aucun témoignage de la peinture de chevalet de cette époque ne nous est parvenu mais nous percevons un mouvement de fond comparable dans la sculpture :
Tête d’homme, bronze, vers 100 av. J.-C., découverte à Délos, Musée archéologique d’Athènes
Il y a quelque chose d’assez jubilatoire à contempler aujourd’hui le résultat de ces recherches, à l’heure où la reproductibilité massive des images, autant que leur parfaite adéquation avec le réel (la révolution photographique est passée par là) ont fait de nous des êtres désenchantés, désabusés, qui ont oublié qu’il y a toujours un tour de magie technique qui permet de passer du réel à sa représentation fidèle dans la matière ou la couleur.
Mais pour ce qui est de la magie et de la fidélité de la représentation, il me faut apporter un contrepoint à cette Grèce antique si iconophile. Toutes les périodes de l’histoire, en effet, n’ont pas vu du meilleur œil qu’une image cherche à reproduire le réel, et par là-même qu’elle induise en erreur l’honnête homme. L’exemple de l’image spéculaire – reflétée par un miroir – me semble assez éloquent en la matière. Nous faisons un bond dans le temps, dans l’Europe chrétienne des prémices de la Renaissance, au XVe siècle, dans une sphère des idées où cohabitent autant un fort sentiment religieux, que des traditions populaires encore médiévales et une pensée humaniste en pleine maturation. Pour cet humanisme, justement, le miroir est l’objet-symbole de toute activité réflexive, par analogie entre le sens propre et figuré du terme « réflexion » : c’est le lieu où l’homme peut s’examiner et mieux se connaître, et par extension, mieux connaître le monde qui l’entoure. Seulement voilà, le miroir ne reproduit pas tout à fait le réel : d’une part, la technique de fabrication n’est pas encore à même de produire une surface plane, lisse et parfaitement réfléchissante, et d’autre part l’image renvoyée par le miroir est inversée par rapport à son référentiel. Bigre ! On a donc affaire à une version « dégradée » et corrompue de la réalité. Et qui dit corruption dit vice, péché, enfer et damnation. La sapience populaire flamande résume notamment ce danger dans le dicton « se mirer dans le cul du diable« , c’est à dire pécher par orgueil dans la contemplation de son reflet, qui n’est autre qu’un artifice tendu par le Grand Fourchu pour dévoyer les hommes. Jérôme Bosch, dans le panneau droit de son hallucinatoire triptyque, en donne une illustration aussi amusante que cynique :
Jérôme Bosch (v. 1450-1516), Le Jardin des Délices, volet droit (L’Enfer), 1500-1505, huile sur bois, Madrid, musée du Prado
Cliquez sur l’image pour l’agrandir et regardez, en bas, au centre, cette femme nue assise, enlacée par des mains griffues, dont le visage se reflète dans un miroir noir convexe collé sur l’arrière-train d’un démon verdâtre aux pattes terminées en racines. L’oeuvre moralisatrice de Bosch est là pour rappeler le statut hautement ambigu et duplice, donc suspect, du miroir. Puisque ses contemporains n’ont pas encore percé tous les secrets de l’optique, la superstition et l’irrationnel faisant le reste, l’image spéculaire est considérée comme un phénomène qui doit tenir de la magie, et c’est justement pour cela que les pratiques magiques et divinatoires se sont emparées depuis l’Antiquité du miroir, voyant en lui un artefact capable d’influer sur l’espace et le temps. Dans de telles pratiques, la distinction entre la chose et le phénomène (son reflet), est abolie : on considère alors le reflet lui-même comme une chose, qui émanerait de l’objet reflété. J’ouvre une parenthèse, un procédé de confusion similaire est à l’oeuvre dans la sorcellerie et l’envoûtement : l’image de la personne sur laquelle on veut agir (photo, effigie de cire…) devient la personne elle-même. Je ferme la parenthèse.
Trompeur, le miroir ? Peut-être bien. Restons en Belgique avec le peintre surréaliste René Magritte.
René Magritte (1898-1967), La reproduction interdite, 1937, huile sur toile, 81,3 x 65 cm, Rotterdam, musée Boijmans van Beuningen
Dans ce tableau, aussi appelé Portrait d’Edward James, René Magritte installe son sujet, un homme debout vêtu d’un costume, devant un grand miroir placé sur le manteau d’une cheminée, sur lequel est posé un livre. Cependant, le reflet dans le miroir montre l’homme de dos, exacte réplique du modèle légèrement décalée vers la droite, tandis que le livre est reflété symétriquement au plan du miroir, comme dans toute surface réfléchissante, d’où la situation paradoxale d’un miroir partiellement – sélectivement ? – réflexif, qui se comporte aussi comme un tableau dans le tableau. En effet, seule la présence du livre est là pour nous rappeler que nous avons affaire à un reflet, donc qu’il y a un référent à l’image reflétée, car sans lui rien ne permettrait d’exclure qu’il s’agisse simplement d’un homme debout devant un tableau le représentant de dos… vous me suivez ? Le titre même de l’oeuvre, La reproduction interdite, est un clin d’œil explicite à l’avertissement que l’on trouve en tête de chaque ouvrage édité et qui protège les droits de reproduction, de traduction et d’adaptation. Mais c’est aussi le résultat du dispositif de l’artiste : la « reproduction », c’est à dire le reflet, nous demeure interdite, inaccessible. L’emploi de l’épithète « interdit » renvoie également au caractère transgressif de cette œuvre, qui se joue des lois de la physique. Le rusé René, grâce à son dispositif, interdit au spectateur de voir le modèle de face : son regard est renvoyé alternativement du référent vers le reflet, en circuit fermé, ce qui crée un sentiment dérangeant face à une situation irrationnelle, comme devant une illusion d’optique ou un « objet impossible » (comme ici chez Escher). En désobéissant aux principes optiques, le miroir de Magritte rend fou. Il nous interroge sur la validité du lien, que nous supposons immuable, entre la chose et son image.
Alors, nous avons jusque là parlé de la relation entre le réel et sa représentation par l’image, avec les deux volets contradictoires autant que complémentaires que sont la quête de l’illusionnisme d’une part – l’image et son référent tendent à ne faire qu’un -, et le danger qu’il y a à confondre justement ces notions, ou pour ainsi dire, à « donner un chèque en blanc » à l’image. Il faut aussi que j’évoque ici une grande figure, David Freedberg, historien de l’art à l’université de Columbia, spécialiste des réponses psychologiques et cognitives face aux œuvres d’art, et auteur du Pouvoir des images (1989). Dans cette étude, au travers d’une démarche anthropologique, il cherche à dégager des comportements-types de spectateurs devant des images. Il part du postulat que les images produites par l’homme – sans distinction entre arts premiers et beaux-arts – sont loin d’être des choses inertes mais sont au contraire douées d’une vie propre et en cela agissent sur le spectateur qui les contemple. Selon les contextes historiques et géographiques, ces images sont utilisées par exemple pour consoler les condamnés à mort, pour jeter l’infamie sur un criminel par le truchement de son portrait à qui on faisait subir les pires outrages… et bien sûr, une fois consacrées, ces images ont vocation à devenir des supports de culte religieux et d’élévation spirituelle (mais ce point précis constituant la matière d’un post à lui tout seul, je le laisse en suspend pour l’instant). La perception d’une image est donc bien plus qu’un stimulus parmi les millions que traite notre cerveau chaque jour. L’image possède un pouvoir, qui lui est conféré en grande partie par l’intention qui a présidé à sa création. Et ce pouvoir se traduit par une réponse émotionnelle du spectateur, qui voit son psychisme façonné par l’image. Pour ceux et celles que ces questions passionnent, et ô comme je les comprends, je ne saurais trop recommander l’écoute des émissions de Jean-Claude Ameisen, en particulier celle-ci, où l’on apprend notamment l’existence de neurones-miroirs, histoire de rebondir gaiement sur ce dont j’ai parlé plus haut, via les sciences « dures » cette fois.
Bon, les images ont des super-pouvoirs. Mais ces super-pouvoirs ne seraient-ils pas également révélateurs, en creux, du super-pouvoir de leur créateur ? Voilà qui nous renvoie donc à la question du statut de l’artiste comme producteur d’images. Statut complexe s’il en est, ambigu aussi. Revenons en Grèce, pendant la période archaïque (entre -700 et -480 environ). Le terme qui se rapproche le plus du mot « art » est alors techné, dans son acception de « savoir-faire », « capacité d’invention ». Et la figure mythique de l’artisan-inventeur génial, aux mains habiles et magiques, c’est Dédale, le concepteur du Labyrinthe. Dans l’idée des auteurs de cette époque, le savoir de l’architecte et du sculpteur est un don des dieux, qui s’exerce avec leur appui. Et quand Platon fait le récit de la création du monde et des hommes, il attribue cette prouesse à un demiourgos (démiurge), artisan divin qui maîtriserait toutes les techniques. Néanmoins, dans les faits, le statut de l’artisan reste flou en Grèce antique, désigné tour à tour sous le vocable demiourgos ou banausos (celui qui s’occupe de tâches ingrates à l’atelier). Si les artisans sont plutôt sous-considérés pendant la période archaïque, les premières signatures sur des objets en céramique remontent tout de même au VIIIe siècle av. J.-C. et traduisent un changement progressif de mentalité : l’artisan devenu sujet, fier de son savoir-faire, revendique son individualité. Il faudra cependant attendre Léonard de Vinci pour voir apparaître, sous sa plume, le mot artista, qui s’oppose désormais aux tailleurs d’images ou imagiers de la terminologie médiévale. C’est la capacité à inventer, à projeter mentalement un concept, à élaborer un dessein (disegno) qui deviennent selon Léonard les conditions préalables à la création d’une oeuvre d’art. Est-ce à dire que l’artiste commence à piétiner les plates-bandes de Dieu lui-même ? C’est en tous cas le procès que l’Eglise va faire à certains artistes, mais aussi dans une certaine mesure à des scientifiques (Galilée…). En revendiquant son statut de créateur d’images, l’artiste humaniste assume pleinement le pouvoir que lui offre son talent, mais s’attire la défiance des autorités religieuses. Péché d’orgueil encore ? Arrogance déplacée d’un mortel qui veut s’élever à la hauteur des dieux, et qui comme Prométhée risque de se prendre une bonne raclée ? Pas si simple. Dans son autoportrait réalisé en 1500, Albrecht Dürer pose avec autant de conviction sa stature artistique individuelle, et la position sociale éminente qui en découle (admirez cette belle fourrure), que sa religiosité intime, en se représentant ici « en Christ », fondant ses traits avec ceux du Christ selon le principe de l’imitatio Christi, qui traduit la volonté d’un croyant de « porter sa croix » et de prendre part au salut de l’humanité sur l’exemple de Jésus. Voilà qui aide à repenser la prétendue antinomie entre l’humanisme et la foi…
Albrecht Dürer (1471-1528), Autoportrait à l’âge de 28 ans, 1500, huile sur bois, 66,3 x 49 cm, Munich, Alte Pinakothek
Hommes-artistes au talent presque divin certes, mais qu’en est-il de Dieu lui-même, the one and only, designer suprême et big boss de la création ? Eh bien l’histoire de l’art le prend parfois en flagrant délit de gribouillage, et ce n’est pas pour nous déplaire. Il y a d’ailleurs une expression consacrée pour cela : on parle d’image achéiropoiète (ce qui veut dire en grec « non faite par une main humaine »), un terme déjà employé dans la mythologie grecque pour désigner des images d’origine inexpliquée, comme tombées du ciel. La théologie chrétienne reprendra bien vite elle aussi ce terme à son compte, notamment pour évoquer les images miraculeuses de la Sainte-Face qui s’impriment par contact direct sur un support, sans médiation humaine aucune. L’un des exemples les plus connus est celui du voile avec lequel Sainte Véronique essuie le visage de Jésus pendant sa montée au Calvaire. Les représentations de cet épisode abondent en peinture, depuis le Moyen-Âge, aussi ai-je préféré illustrer cette iconographie par une sculpture, ce qui est beaucoup plus rare (et accessoirement virtuose) :
Francesco Mocchi (1580-1654), Sainte Véronique (détail), 1629-1632, marbre, Rome, basilique Saint-Pierre, croix du transept
Le sculpteur baroque incise ici la surface du voile pour reproduire les traits du Christ qui s’y sont imprimés miraculeusement, et donne à sa figure drapée un mouvement en spirale éblouissant, d’autant que la statue doit bien faire ses 5 mètres de haut juchée sur son piédestal. On reste scotché.
Mais il arrive aussi à Dieu de s’adonner au graff pour faire passer des messages aux humains, et heureusement que Rembrandt est là pour nous le raconter en images : tremble, Balthazar, ton compte est bon !
Pour conclure ce tour d’horizon subjectif et non exhaustif de la question du pouvoir des images et de ceux qui les créent, je voudrais débattre de cette maxime surpuissante énoncée par Benjamin Parker dans la première BD de Spiderman :
« Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. »
Oui, il est de la responsabilité de toute personne qui crée et diffuse une image d’avoir clairement à l’esprit l’impact qu’elle pourra avoir, car derrière chaque image il y a une intention, une impulsion, qui ne sont jamais tout à fait neutres à mon avis. Être responsable, en tant que créateur, c’est être toujours en mesure de pouvoir expliquer sa démarche, de l’argumenter, de la défendre au besoin, de la remettre en question s’il le faut. Produire et diffuser une image/une oeuvre, sans auto-censure, c’est la soumettre au débat public, et c’est un processus sain, qui donne à réfléchir, qui pointe des failles, qui appuie parfois là où ça fait mal. Et c’est comme ça qu’on avance.
Mais la responsabilité n’est pas à sens unique : il incombe à tous ceux qui reçoivent ce flux incessant d’images de rester conscients du pouvoir qu’elles peuvent exercer sur nous si nous le leur donnons. Alors activons nos filtres et décodeurs, et n’oublions pas : quand il n’y a plus d’images, il reste l’imaginaire. Et ça, personne ne peut nous l’enlever. Pas même la NSA.